Tranches de Vie

Etait-ce le film de Costa Gavras, au plus fort de
la dictature des colonels.…
Ou celui d'Antonioni, dans les pares et ruelles
De ce Londres que j'affectionne tout particulièrement …
Deux chef-d'œuvre du cinéma avec, en toile de
fond des histoires de photographes.
Mais peut-être étaient-ce les images de Robert
Doisneau …
Où d'Henri Cartier-Bresson, l'œil du siècle si
bien mis en lumière dans l'ouvrage de Pierre
Assouline …
Difficile de retrouver au fond de ma mémoire ce
qui déclencha un jour cette passion pour la photographie.
Ces désirs d’aller explorer les extrémités
de notre Terre et la vie de tous les jours de ces
gens des villes…
Mais une chose est certaine, à partir de ce
moment-là, rien ne fut plus comme avant. La
photographie devint une partie de moi-même,
tantôt confidente, parfois témoin et le plus
souvent prétexte.
Tour à tour engagée, curieuse, passionnée, elle me
fit lever la tête, observer mes semblables, rechercher
contradictions et similitudes de l'existence.
Interroger du regard avant de donner la parole
grâce à l'aventure radiophonique.
A cet égard, je lui dois beaucoup.
Est-ce la photographie qui me fit aller jusqu'aux
Pôles glacés, au travers des déserts torrides, au
cœur des forêts tropicales, sur les mers incertaines
ou encore arpenter ces villes d'ici et d'ailleurs
A moins que le désir de raconter toutes ces émotions
me rendit complice de l'image... Un peu
des deux sans doute.
La photographie est une écriture.

Et quelques chapitres plus tard, le souhait de
poser une balise dans ces vastes espaces de mes
souvenirs. Pour peut-être mieux répartir sur
quelques chemins de traverse.
J'ai voulu ce livre un peu comme ce métier qui
est toute ma vie: la radio et son merveilleux
pouvoir de l'imaginaire. Voyager dans ces images
comme dans une histoire.
Des images qui dialoguent les unes avec les
autres, laissant libre cours à ce qui les entoure,
les relie, les oppose.
Près de trente ans séparent ces photographies.
Pourtant, il me semble que c'était hier. Que je
les caresse encore du bout des yeux.
La vie est un grand livre d'images, comme celles
que je regardais petit garçon et qui me racontaient
le monde à travers ces gravures patiemment
collées page après page.
Aujourd'hui, à l'heure où le monde est
surchargé d'imageries qui masquent parfois la
réalité et souvent le rêve, j’ai impression d'être
resté l'artisan d'un autre temps.
A la multinationale de l'image, je privilégie
l’échoppe du coin de la rue où il fait bon s'arrêter
pour dialoguer quelques instants avec les
passants, les voisins et les amis.
Partager quelques tranches de vie. Refaire un
peu de ce monde, sans nostalgie, mais sans
complaisance non plus envers ceux qui tentent
de se l'approprier.
Qui font avancer le désert jusqu'au cœur de nos
cités.
C'est bon de savoir que nous allons faire ce petit
bout de chemin ensemble.
C'est ma plus belle récompense.

F.P.